Publié le 19 juillet 2019 Mis à jour le 18 septembre 2019

Jean-Frédéric Schaub, EHESS

Conférence donnée le 17 décembre 2019 dans le cadre du Cycle 2018-2019 des Conférences Campus Condorcet : « Vivre l'espace : le global et le local »


Les historiens affrontent l’inégalité de nos capacités de compréhension des sociétés du passé. L’inégalité dérive du rapport entre sociétés européennes et sociétés colonisées dont les discours, les images, les normes, les croyances obéissent à des styles, à des cadres, à des langages qui sont compréhensibles mais pas identiques à ceux des Européens. Elle dérive également de l’inégalité des facultés d’expression et de l’accès aux supports matériels de conservation et de communication de la parole et de la pensée, entre les groupes et les classes qui composent les sociétés européennes depuis le Moyen Âge.

La différence dans la capacité à se faire entendre n’est pas seulement une réalité de l’iniquité coloniale, elle demeure l’expérience ordinaire de l’inégalité sociale, avant et après toute expansion territoriale, impériale ou coloniale. En fin de compte, le travail critique des historiens, dès qu’ils quittent le sentier bien tracé de l’exaltation nationale, dès qu’ils perçoivent la présence écrasante de l’absent dans le discours des dominants, consiste à vivre de cette asymétrie, à vivre avec elle.
 

Pour en savoir plus

Marc Bloch, Pour une histoire comparée de sociétés européennes, Revue de synthèse historique, 12, 1928, pp. 15-50.
Jean Starobinski, Le remède dans le mal. Critique de l’artifice à l’âge des Lumières, Paris, Gallimard, 1989, p. 11-59.
Marcel Détienne, Comparer l’incomparable, Paris, Éditions du Seuil, 2000.
Michael Werner et Bénédicte Zimmermann, De la comparaison à l’histoire croisée, Le Genre Humain, Éditions du Seuil, 2004.
Jack Goody, Le vol de l’Histoire. Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Paris, Gallimard, 2010.